Nous avons vu dans un précédent article l’emprisonnement de Louis Scolari à la prison de Nîmes. Mais qui est-il vraiment ? Eh bien, le personnage n’est pas facile à cerner.

Nous trouvons aux Archives du Gard un courrier rédigé par la préfecture du Rhône, division de la police, au Préfet du Gard en date du 8 mai 1826. Il s’agit d’une mise en garde concernant ce singulier personnage. Que nous dit ce courrier ?

Il commence par indiquer qu’il s’agit d’un individu des plus dangereux, ayant pris une infinité de noms, entre autres ceux de Gaspard Antoine Pastourel, Deville, Louis Scolari, Lafayette mais pas seulement. Condamné plusieurs fois, il est toujours parvenu à s’évader et lors de son transfert vers Nîmes, il n’a rien négligé pour s’en procurer les moyens. En vain, cette fois-ci.

Nous avons ensuite un petit aperçu de la vie aventureuse de ce personnage sur une dizaine d’années.

En 1815, à Nîmes, sous le nom d’Hippolyte Boudon, il est condamné pour vol, de complicité avec les sieurs Petit-Arnaud et Bouqué,cordonnier piémontais, pour avoir  volé une voiture chargée de marchandises au préjudice au sieur Gruardet,  commissionnaire chargeur à Lyon.

En 1818, il est en prison à Villefranche, dans le Rhône, condamné aux travaux forcés à perpétuité. Il s’évade dans la nuit du 16 au 17 mars. Il se disait alors natif de Larroque dans les Pyrénées-Orientales.

Le 13/04/1819, il s’évade de la tour de Niort, après avoir été condamné à 20 ans de travaux forcés pour avoir dévaliser le magasin d’un bijoutier de cette ville. Sa femme, qui a participé à ce vol, subit sa peine de 15 ans de réclusion à Arvaux, près de Saumur.

Entre avril 1819 et 1822, semble-t-il, il s’échappe des prisons du Mans, de Montpellier et de Grenoble. Dommage que le préfet ne nous en dise pas plus à ce sujet.

14 janvier 1823 : Il est à Lyon sous le nom de Louis Scolari. Sellier, se disant natif de Saint Genis en Savoie, âgé de 34 ans, soi-disant attaqué et poursuivi par des voleurs, il se réfugie dans une allée et tombe dans un puits. Retiré au bout d’une demie-heure, il est saigné. Deux jours plus tard, on le mène à l’Hôtel-Dieu, ayant une fièvre ardente, un délire furieux, les yeux brillants, les conjonctives très injectées. Saigné, on lui donne une limonade. Le 17, il éprouve des difficultés pour respirer avec un sentiment de strangulation. On lui fait des sinapismes aux extrémités inférieures et il reçoit 30 sangsues à la gorge. La nuit du 18 au 19, sa toux est très vive, avec expectoration sanguinolente. Il subit une troisième saignée et on lui donne une décoction d’orge, d’oxymel et 2 grains de tartre-sibié. Le soir, il prend demi once de sirop d’ipéca-cuanha. Le 20 janvier, ses crachats sont abondants et muqueux. Le 21, sa toux est vive, il reçoit donc un large vésicatoire à un bras. Le 22 janvier, il ressent une douleur rhumatismale musculaire très vive au bras qui n’a pas reçu le vésicatoire. Le docteur constate une enflure et lui lui prescrit un cataplasme émollient. Son expectoration étant toujours difficile, il prend 3 grains de tartre-stibié puis le soir 6 grains de kermès. Le 28 janvier, il sort de l’Hôtel-Dieu, guéri à la fois de son encéphalite et de sa péripneumonie. C’est le docteur Ozanam, pratiquant dans cet hôpital, qui nous fait ce compte-rendu détaillé. Le Préfet du Rhône se contente lui de nous dire qu’il a été estropié du bras droit, qu’il a réussi à échapper aux investigations à l’aide de faux-papiers. Et qu’en fait de poursuite, c’est bel et bien lui le voleur.

En 1823, il part ensuite en Avignon. Après avoir volé un horloger, Pellegrin, son complice, et lui furent poursuivis par la force publique à laquelle ils résistèrent. Pellegrin est tué sur place. Sous le nom de Gaspard Antoine Pastourel, il parvient à s’échapper bien que blessé de plusieurs coups de bayonette.

1824 : le revoilà à Lyon. Avec le sieur Desmurs, prenant les noms de Cadet, Joseph Audibert, Théodore François, il est contrebandier. Ils tentent de voler au mois de mai 1825 un ballot sur une voiture. Pastourel est pris sur le fait et condamné, sous le nom de Louis Scolari, à un an de prison.

Et donc, en 1826-1827, il est à nouveau à Nîmes, condamné à nouveau aux travaux forcés. Et il se dit âgé de 33 ans.

Personnage intéressant s’il en est ! Que d’investigations à mener sur lui, un peu partout en France. Quel est son nom exact ? Où est-il né ? Quand ? Rien n’est sûr avec lui. Est-il vraiment Gaspard Antoine Pastourel, comme le pense l’administration pénitentiaire de l’époque ? Mystère.

A-t-il fait ses 10 ans de travaux forcés ? S’est-il à nouveau évadé ? Qu’est-il devenu ensuite ?

C’est le genre de personnage qui donne envie de lancer l’enquête. Je ne sais pas vous mais là, rien qu’avec ce courrier, j’ai envie d’en savoir plus sur le bonhomme. C’est du pain béni pour un généalogiste !