Si je regarde ce qu’il existe du point de vue communautaire en généalogie, je suis sûr d’y trouver deux types de communautés :

  • Une communauté épistémique : C’est le cas de Geneawiki. Une encyclopédie vivante structurée afin de produire de nouvelles connaissances. Il est nécessaire pour cela d’établir un état de l’art, c’est-à-dire faire une recherche de toutes les informations pour en écrire une synthèse.
  • Une communauté d’intérêt : C’est le cas des associations, de l’indexation collaborative et, pour les professionnels, des chambres syndicales. Il s’agit d’un groupe de personnes réunies temporairement pour leurs compétences, chargées d’étudier un projet pour répondre à un problème précis, lui donner une réponse et en suivre l’exécution.

Mais existe-t-il une communauté de pratique ? Quand une personne intéressée par la généalogie, néophyte, commence ses recherches, entre-t-elle dans ce type de communauté ? Les autres l’aident certes, lui apprennent mais sommes-nous dans une logique telle que celle du compagnonnage ? Avons-nous un groupe de personnes reliées de manière informelle, interagissant, apprenant ensemble sur tous les aspect de leurs pratiques, partageant leurs savoirs, développant à travers cela un sentiment d’appartenance et d’engagement mutuel. Un groupe qui d’une certaine manière crée une intelligence collective visant à améliorer au sein du groupe les compétences de chacun. Trois piliers essentiels : le métier, le voyage, la transmission.

Je n’ai pas cette impression quand je regarde les généalogistes professionnels. De par mon expérience universitaire, je me rends bien compte que mes étudiants, quand ils veulent s’installer ensuite, trouvent assez facilement un stage chez des successoraux. Mais chez des familiaux ? Tous ceux à qui ils peuvent demander leur répondent systématiquement par la négative. Comment peuvent-ils apprendre si ceux qui sont installés refusent d’initier ? Un stage professionnel c’est une forme de voyage (on ne le trouve pas toujours près de chez soi). J’essaie de leur transmettre le maximum de mon métier à travers mes cours. Mais les mains dans le cambouis, tester en valeur réelle pendant trois mois, ils le trouvent où ?

Ils ne peuvent pas non plus se tourner vers les chambres syndicales. Le règlement intérieur de Sygène précise que la personne qui demande son adhésion doit présenter les comptes de résultat des deux derniers exercices. Ce qui veut dire qu’il faut qu’elle exerce depuis au moins deux ans. Même s’il est prévu une période probatoire pour ceux qui ont moins d’un an (article 5 du règlement intérieur, disponible sur Internet) :
« Les nouveaux membres adhérents installés depuis moins d’une année (période calculée de mois à mois) et ceux dont le dossier d’adhésion n’a pas recueilli l’unanimité des administrateurs lors de la session d’admission, ne seront admis que pour une période probatoire et maximale d’une année (période également calculée de mois à mois). Ce statut leur confère les mêmes droits et devoirs que tous les autres membres adhérents du SYGENE, tels qu’édictés dans les Statuts et le présent règlement. L’adhésion au SYGENE devient définitive, sauf avis contraire notifié par courrier recommandé avec avis de réception, dans un délai de trente jours à l’expiration de la période probatoire.  » Période probatoire, donc surveillance pendant 12 mois. Cela ne donne pas envie.

Pour la Chambre des Généalogistes Professionnels, il faut une certaine ancienneté dans le métier, une expérience professionnelle sérieuse pour pouvoir y entrer. Elle n’assure pas de formation, pas de conseils d’installation non plus : chaque généalogiste se débrouille dans son coin. Il est maître de ses objectifs. Il est maître de ses moyens. Il est maître de ses démarches. Il est maître de ses archives… C’est ce qui est écrit sur son site dans la rubrique « questions ». Difficile dans ce cas-là de mettre en place une communauté de pratique. Si aucune formation n’est prévue, comment peut-on apprendre ensemble, réfléchir ensemble sur tous les aspects de la pratique ? Comment partager le savoir ? Comment créer alors une intelligence collective ? A mon sens, c’est impossible.

Il n’existe pas non plus, à ma connaissance, de partenariat prévu entre Généalogistes de France et l’Université. En tout cas, pas avec celle de Nîmes. C’est dommage là encore.

J’ai donc un rêve : Qu’un jour, malgré tous ces obstacles, cette communauté de pratique puisse se mettre en place. Qu’il existe un jour un projet de gestion des connaissances en support à l’innovation, l’enseignement et la recherche. Que l’on puisse pérenniser nos savoir-faire, réutiliser nos connaissances, accélérer notre capacité d’apprentissage, améliorer tous ensemble notre performance et notre prise de décision, nouer durablement des alliances et partenariats. Ensemble !