J’avais demandé à mes étudiants : qu’est-ce qu’être Charlie quand on est généalogiste ? Pourquoi avoir choisi ce nom de promotion ? Vous y mettez quoi derrière. Quelques uns m’ont répondu. Peut-être tous le feront-ils, peut-être pas. Voici leurs textes au rythme d’un par jour, sachant que c’est moi qui ai mis en gras les idées qui me paraissaient les plus fortes : Être Charlie, dans le contexte de janvier 2015, c’est adhérer à un mouvement social né en France à la suite d’attentats perpétrés par des fanatiques sur le sol français. Ces attentats ont touché, en premier, un journal, Charlie-Hebdo, un des fers-de-lance de la bande dessinée provocatrice. Il n’est pas admissible de tuer des gens parce qu’ils expriment des idées, bonnes, mauvaises, grandes ou petites. Le mouvement qui a suivi a démontré l’importance que les français accordent à cette liberté. Les généalogistes que nous sommes ne pouvaient pas rester indifférents. Parmi les actions que nous pouvions entreprendre, baptiser notre promotion du nom de Charlie Hebdo, montre notre engagement dans cette volonté de liberté d’expression, de refus du nihilisme forcé, de pouvoir partager le plus d’informations possibles, sources de l’éducation et de la connaissance. Moins l’éducation et la connaissance sont importantes, plus la barbarie et la violence se développent. Dans cette démarche, le généalogiste tient une place importante dans les relations qu’il crée entre individus ne se connaissant pas la veille mais possédant un même cousin, parfois très éloigné, mais avec lequel on va partager des informations, anecdotes, histoires. Il est aussi provocateur et peut semer le trouble lorsqu’il annonce que l’arrière grand-oncle était un assassin, ou que l’arrière-grand-mère est partie avec le valet de ferme faire une autre vie. C’est un arbre que nous présentons, ce sont des vies que nous recréons, le généalogiste n’est-il pas très attaché à la vie, au travers de la mort de milliers d’ancêtres continuant à prouver qu’ils existent ? Être Charlie c’est un engagement, non pas un engagement furtif et aussi éphémère que l’est l’engagement social de notre époque, mais un engagement qui doit s’enraciner dans des valeurs de partage, d’échange, de liberté d’expression et de conscience que nous avons du mal à reproduire en public. Nous avons tous les outils pour cela, religieux, politiques, sociaux, associatifs. L’engagement qu’il soit à un quelconque de ces niveaux doit permettre de s’y épanouir et d’apporter à l’autre la même chose. L’engagement, le militantisme n’est pas un extrémisme, ni même un dogme aveugle dirigeant ses adeptes, ignares et incapables de critiques, vers un fanatisme arriéré. Voyons dans notre engagement de généalogiste cette promesse de faire découvrir à l’autre, de lui apporter plus de connaissances. Comportons nous en Charlie et n’ayons pas honte de nos opinions, de nos critiques quand elles sont échangées et discutées. Comportons nous en Charlie pour faire connaitre ce que nos ancêtres ont fait de bien et de mal, pour pouvoir l’analyser, se l’approprier, le reproduire ou le rejeter. Comportons nous en Charlie pour déclarer la guerre à l’obscurantisme, aux autodafés lamentables, preuves de la volonté d’une minorité d’empêcher l’accès à la connaissance. Bien sûr ce mouvement dépasse Charlie Hebdo, journal de ma jeunesse au même titre que l’Écho des savanes, Fluide Glacial ou Hara-Kiri, en perte de vitesse, grandement décalé dans une période où l’on ne peut critiquer le prophète Mahomet, mais dans laquelle les médias montrent régulièrement des horreurs partagés par des réseaux sociaux lamentablement complices et complètement « débilisés ». Ce mouvement a été un détonateur et il faut espérer qu’il y aura, non pas une bombe au bout, mais un sursaut populaire nous faisant constater notre peu d’implication sociale ou politique dans un monde qui ne souhaite pas tellement que le peuple devienne plus acteur de sa propre vie. J’aurais tant préféré que nous baptisions notre promotion « Chaix d’Est-Ange », « Anselme », « abbé Nadaud » ou « Hozier », voire même « Sosa » ou « de cujus », le terrorisme en a décidé autrement. Nous devons faire savoir que nous, étudiants généalogistes, futurs historiens de vos mémoires, avons décidés de nous emparer de ce slogan, de le mettre en tête de notre promotion afin que l’on sache qu’au-delà de nos fouilles dans les vieux papiers, nous sommes les porteurs d’idées de tolérance, de compréhension, d’étude et d’analyse de notre société, passée, présente, et à venir.