Je vous ai parlé dans une note précédente des dénéraux. Mais ce que je ne vous ai pas dit, c’est que les balanciers n’étaient pas les seuls à s’en servir. Il en fut fabriqué aussi pour tous ceux qui avaient besoin de s’assurer du poids des espèces passant entre leurs mains comme les agents du fisc, les marchands ou les changeurs. On trouve par exemple des dénéraux du XIVème siècle portant un nom propre avec derrière une autre désignation : Lombard. Vous vous doutez bien de quoi il s’agit. Ils étaient utilisés par les marchands lombards. Vous pouvez trouver aussi des dénéraux, nombreux, portant mention d’un poids réduit de tolérance de circulation. Ils servaient aux usuriers. Il existait aussi de faux dénéraux comme il existait de la fausse monnaie. Des numismates ont trouvé ainsi un dénéral sur lequel il était inscrit « pistole d’Italie ». Problème : la pistole n’est pas une monnaie française et s’il s’agit d’un dénéral italien, la langue ne serait pas le français. c’est donc un faux. En théorie, les dénéraux n’avaient pas à être chez des commerçants. Le roi interdisait de peser ses monnaies. Le frai, c’est-à-dire l’usure de la pièce, n’avait pas à entrer non plus en ligne de compte. Seule la pièce en cours de fabrication, au pire la précédente, était autorisée. Les espèces étrangères devaient être portées chez les fondeurs pour fabriquer de nouvelles pièces françaises. Mais ça c’est la théorie. Parce que dans la pratique, il en est tout autrement. Le roi n’est guère obéi. Regardez les actes passés chez les notaires et intéressez-vous aux pièces qui permettent les paiements. Ce ne sont pas toutes des pièces françaises. Loin de là ! Et il y a des textes officiels où même le pouvoir se déjuge. A la fin du XVème, le langage du pouvoir est à l’opposé de tout ce qu’il avait été. A partir de 1541, les nombreuses ordonnances montrent que des espèces de tout poids et de tout étalon circulent en France. Et il faut bien les peser, surtout si elles sont en or. La circulation monétaire est des plus complexes. Le roi est impuissant à empêcher l’usage. Il essaie alors au moins de le réglementer. Il fait des concessions. La frappe au balancier puis la paix établie dans tout le royaume favorisent une police monétaire. Cela calme un peu le jeu. En 1701 et 1704, on crée officiellement des dénéraux d’occasion. Vous pensez que le système décimal a mis fin à cela ? Que nenni, en tout cas pendant le premier tiers du XIXème siècle. Ce qui a vraiment mis fin à cela, ce sont les billets de banque, l’or ne servant plus que dans les réglements internationaux.