Le 30 brumaire an XII, le ministère de l’Intérieur envoie un courrier à tous les préfets avec mission d’en donner connaissance sur le champ à tous les sous-préfets intéressés. Cette lettre, dont vous aurez copie intégrale ci-dessous, aborde plusieurs points intéressants : 1/Elle se réfère à la loi du 7 germinal an XI. Le Premier Consul a décidé de donner à la France un nouveau franc, une monnaie forte : le Franc Germinal ! Cette monnaie va apporter à la France un stabilité de plus d’un siècle 2/Vous le verrez, cette missive parle de boîte de trébuchet. Il s’agit en fait de boîte de pesage monétaire. Le trébuchet est une petite balance à bras égaux avec deux plateaux suspendus. Le poids trébuchant, ajusté sur le poids de tolérance, était posé sur un des plateaux, la monnaie sur l’autre. Si la balance trébuchait du côté de la monnaie, elle était acceptée. 3/Cette lettre laisse l’utilisation libre des anciens poids monétaires, du moment qu’ils ont tous une forme commune. Même si chaque changeur peut a priori fabriquer celle qu’il veut. Lisez bien le courrier, c’est un modèle du genre dans ce domaine. 4/ Nous avons le détail de toutes les nouvelles monnaies en circulation. 5/ Enfin, un maître balancier nommé Jecker, même s’il n’est pas nommé, est mis en cause : ses balances ne sont pas fiables. Et maintenant, en voici donc la copie : Jusqu’à présent la circulation des monnaies anciennes, qui a eu lieu concurremment avec celle des monnaies nouvelles, a obligé de tolérer l’usage des anciens poids de marc qui garnissaient les boîtes des trébuchets destinées à peser les monnaies. Aujourd’hui que l’époque est peu éloignée où ces monnaies anciennes cesseront absolument d’avoir cours, il importe de régler à l’avance les dispositions nécessaires pour faire de même disparaître des trébuchets tous les poids anciens qui ne pourront plus être tolérés sous auncun prétexte. La loi du 7 germinal dernier a déterminé le poids des diverses monnaies. Le franc, unité monétaire, est une pièce d’argent de 5 grammes. La pièce de 2 francs pèse 10 grammes et celle de 5 francs en pèse 25. Les pièces au dessous du franc sont le 1/4 du franc, qui est du poids de 125 centigrammes, le 1/2 franc qui est de 25 décigrammes, et la pièce de 3/4 de franc dont le poids est de 375 centigrammes. Il y a des pièces de 2, 3 et 5 centièmes de franc, dont le poids est ainsi réglé, savoir : pour la pièce de deux centièmes, 4 grammes ; pour celle de 3, six grammes, et pour celle de 5, dix grammes. Enfin, il y a des pièces d’or de deux sortes, l’une de 20 francs et l’autre de 40. Le poids de la pièce de 20 francs est réglé par la loi de manière qu’il en faut 155 pour faire un kilogramme, ce qui donne pour le poids de chaque pièce en particulier 6 grammes 452 et pour le poids de la pièce de 40 francs 12 grammes 903/1000. Quoique le poids de toutes ces pièces de monnaies étant ainsi réglé, il soit facile de les vérifier avec les poids ordinaires, tels qu’ils sont dans le commerce en réunissant par exemple le poids de deux décagrammes et celui de 5 grammes pour avoir le poids de la pièce de cinq francs, le poids de deux grammes et celui de cinq décigrammes pour avoir le poids du demi-franc, et ainsi des autre, on conçoit cependant qu’il serait fort embarrassant d’avoir toujours besoin de recourir à la table des monnaies pour ensuite, par la combinaison des poids divers qui sont nécessaires, former celui de la pièce qu’on veut vérifier. Il est évident au contraire qu’il serait plus commode et plus expéditif d’avoir des poids qui présentassent la valeur de chaque pièce en particulier et la série de tous ces poids serait réglée ainsi qu’il suit : Pièces de cuivre Pièces d’argent Pièces d’or Centième de franc Francs Francs 2 – 4 grammes 1/4 – 1g. 25 20 – 6gr. 3 – 6 grammes 1/2 – 2g. 05 40 – 12 gr. 90 5 – 10 grammes 3/4 – 3g. 75 1 – 5 g. 2 – 10 g. 5 – 25 g. Il est bien libre sans doute à chacun de prendre à cet égard le parti qui lui conviendra le mieux, et même à ceux qui adopteront le mode de construire des poids spécialement destinés à la pesée des monnaies de leur donner la forme qu’ils aviseront. Cependant, comme on ne saurait trop prendre de précaution pour prévenir tout ce qui pourrait faciliter la fraude, je pense qu’il serait à propos de régulariser et d’uniformiser autant qu’il sera possible la construction des poids destinés à peser les monnaies, en leur donnant une forme qui leur soit particulière et les marquant non pas du nom de la quantité de poids qu’ils représenteront , mais celui de la pièce de monnaie à laquelle ils se rapporteront. Chaque boîte de trébuchet devra contenir en outre un assortiment de poids depuis celui de 5 grammes jusqu’au plus petit, pour apprécier les différences qui se trouveront dans le poids des monnaies, sauf toutefois la tolérance accordée par la loi. Quant à la forme de ces poids, je pense que l’on n’en peut pas adopter une plus avantageuse que celle d’un cône ou d’une pyramide tronquée et renversée, surmontée d’un bouton ; ces poids ont l’avantage de pouvoir se placer facilement dans les cases qui leur sont destinées et de s’en retirer de même ssans frottement. Les poids destinés à peser les monnaies devront nécessairement être présentées à la vérification et marqués du poinçon ; le droit de marque sera payé conformément au tarif, c’est-à-dire à raison de 7 centimes 1/2 par pièce. Indépendamment des balances appelées trébuchet, dont on se sert pour peser les monnaies, on emploie encore au même usage une espèce de romaine connue sous le nom de pèse-monnaie. Cette sorte de balance est en général peu susceptible de la précision nécessaire l’emploi qu’on en fait, et d’ailleurs il est facile d’en altérer la justesse par le déplacement d’un seul des couteaux. Le gouvernementne peut donc se rendre garant de l’exactitude des instruments de cette espèce en les marquant de son poinçont ; il est au contraire de son devoir d’éclairer le public sur les dangers de leur usage, et même de faire tous ses efforts pour le restreindre autant qu’il est possible. Mais il ne peut, dans aucun cas être permis de marquer sur ces romaines les divisions des anciens poids, et les agents de la po lice doivent veiller exactement à faire disparaître du commerce tous les pèse-monnaies sur lesquels ils trouveraient ces divisions tracées.