Il y a des moments où être gentil, ça va mais il ne faut pas abuser. La diplomatie est un art que je pratique beaucoup mais parfois, un coup de gueule, bien posé, cela fait du bien. Ce que j’ai fait cette fin de semaine. Toujours dans le cadre de ma recherche pour le Conseil d’Etat (enfin, pour le dossier au Conseil d’Etat de mon client qui veut relever le nom de sa mère), je trouve à un moment, lors d’une déclaration de succession, je vous l’avais déjà dit, une personne, soeur d’un avocat près la cour d’appel qui ne recevait rien de l’héritage de son frère, souvenez-vous. Savoir qu’elle existe c’est bien ! Savoir comment elle se prénomme, où elle est née, où elle s’est mariée, où elle est morte, si elle a de la descendance c’est mieux. Mais comment trouver la destinée d’une fille ? Ce que je sais : En 1904, elle est majeure. Elle est donc née au plus tard en 1883 et au plus tôt en 1873 (son frère est de 1872). La déclaration de succession de son père me donne son prénom : Marie. Et en 1952, elle est en vie ! Voilà, voilà, voilà ! C’est pas bésef ! Au recensement de 1906, la famille n’habite plus à l’adresse de 1904. 1000 pages de recensement, minimum, par année, pour la commune, on va oublier : sans une adresse, c’est pas la peine. Elle s’est sans doute mariée mais avec qui ? Quand ? Où ? Aucune idée. Me faire tous les mariages de la commune, on oublie aussi, cela représente des centaines de pages. Pas née dans la commune où son frère décède en 1953. Le nom est répandu mais pas tant que ça. Et elle n’est pas dans la liste des naissances entre 1873 et 1883, ni au prénom Marie, ni à un autre prénom. Bon ! Scrogneugneu, où est-elle ? Les listes électorales de 1945. Elle est en vie, elle a dû voter. Mais…. La mairie les a tenu par nom de femme mariée, non par nom de jeune fille. Raté ! Je me dis qu’une possibilité peut être d’aller chercher le décès, en dépouillant systématiquement les tables décennales à partir de 1952. Je me présente donc au service de l’état civil de la commune. Je montre patte blanche, explique mon problème, demande à consulter les tables décennales et les registres de décès, communicables immédiatement à tout requérant, et on me dit : dérogation du procureur obligatoire ! Je rappelle la loi à la personne en face de moi mais elle reste ferme sur ses positions : dérogation du procureur obligatoire ! Pourquoi ? Parce qu’allant dans les rayonnages, proches du service où travaillent toutes les personnes en charge de l’état civil, je risque d’entendre des conversations concernant des personnes en vie et donc, dérogation du procureur obligatoire. Euh…. Je crois que le secret professionnel, cela existe ! Enfin, il me semble. Non ? Je rappelle la loi à nouveau et elle me ressort la procédure qu’ils ont mis en place pour cette raison. Je n’ai pas la dérogation du procureur pour consulter les tables décennales et les décès, je n’entre pas. Le procureur ne me donnera jamais une dérogation pour des documents librement consultables, faut pas rêver. Ce sont des documents qui n’ont pas besoin de dérogation pour les consulter depuis la nouvelle loi sur les archives. Ce n’est même pas la peine que je tente de ce côté-là, je vais me faire rire au nez. Donc, vu qu’il y a un mur administratif en face de moi, pas de possibilité de dialogue, ni une ni deux, j’ai saisi la CADA. Le service d’état civil se débrouillera avec son avis. Ce n’est plus de mon ressort. Marre parfois d’être diplomate !