Maintenant que le soufflé semble un peu retombé, avant que ne crissent à nouveau les épées sous le feu de l’aiguisement, et si nous regardions ce qui se joue entre ces deux protagonistes en prenant un peu de distance, de hauteur ? Et si nous passions cette question au crible de l’économie de la connaissance ? Que pourrions-nous apprendre ? Nous avons tout d’abord ce qu’il serait possible d’appeler un inventeur : les Archives Départementales. L’invention ? La mise en ligne sur Internet d’images numérisées.Le coût de la première utilisation de celles-ci est très élevé. Il inclut en effet le coût de leur production. Par contre, multiplier les usages n’impose pas de coûts supplémentaires. Cet inventeur va avoir des difficultés, a des difficultés pour conserver son invention de façon exclusive tout en l’utilisant. On voit bien ce qui se passe actuellement entre les Archives et NotreFamille, le bras de fer qui s’est engagé. Cette invention, bien non rival, difficilement contrôlable, est un bien dont l’usage peut potentiellement se multiplier sans entrave. Deux manières pour ce faire : soit c’est le fait de quelqu’uns (NotreFamille par exemple), soit cela passe par un multitude de contributions et cela donne une image un peu éparpillée, insaisissable, voire même chaotique, mais de même valeur. Dans un cas comme dans l’autre, cela exige de la part de l’inventeur une attitude positive. Il doit souhaiter que le fruit de son travail puisse être utilisé par d’autres qui continueront le chemin qu’il a commencé à tracer. Il me semble que les Archives sont bel et bien dans cette attitude. Une de ces disséminations possibles ? L’indexation des photos mises sur Internet. Mais il y a un petit hic. Comment disséminer de manière large et rapide ? Que vaut-il mieux : la multitude ou seulement quelques uns ? Les économistes de la connaissance nous affirment que la multitude est préférable. En effet, ainsi chacun met dans un pot commun son savoir et son savoir-faire. Par le biais de licences croisées, chacun peut se servir du moment qu’il contribue au stock de savoirs collectifs. Deuxième hic : comment obtenir une rente produite grâce à cet effort d’invention ? Les Archives ont trouvé une première solution par le biais des licences de réutilisation. Mais ce n’est qu’une solution parmi d’autres possibles. Il me semble, mais je peux complètement me tromper, que NotreFamille essaie de mettre en place une autre rente mais envisagée cette fois-ci de manière monopolistique. L’entreprise a bien compris que l’indexation peut être rentablement intéressante. Là encore, un coût pour la mettre en place, en tant qu’inventeur à son tour, puis autant d’utilisations qu’il est possible d’imaginer moyennant financement par les utilisateurs. A priori, de la manière dont semble se dérouler le combat entre les deux parties, il n’est pas envisagé, voire pas envisageable, qu’il y ait mise en place d’une concurrence potentielle. D’autres firmes essaieront sans doute d’entrer une fois qu’elles auront compris le profit qu’il est possible d’en retirer. Mais cela sera-t-il encore possible pour elles ? N’y aura-t-il pas mise en place de barrières à l’entrée, empêchant toute concurrence, permettant de mainteinr un prix fixé uniquement par NotreFamille ? Elle maximisera alors sa position monopolistique. D’autres solutions sont possibles, sachant que si on privilégie la possession exclusive fondée sur un droit légal d’exclusion, la question du mode d’appropriation devient insurmontable, inextricable. Un véritable noeud gordien. Quelles solutions ? Le secret commercial. Mais s’il est possible pour une entreprise, cela me semble compliqué pour les Archives Départementales. Revendiquer la possession exclusive après avoir fourni la preuve que l’on est bien l’inventeur. Cela implique de mobiliser des dispositifs juridico-sociaux autour du droit de propriété intellectuelle. Bref, des années de procédure. Créer une difficulté pour copier l’invention. Là encore cela ne me semble pas simple pour une administration. Selon les économistes de la connaissance, la meilleure solution reste un travail en commun de l’ensemble des parties en présence : Archives, sociétés commerciales (et non une seule), cercles de généalogie. Un peu à la manière des Mormons il y a quelques années, où le microfilmage a été utile à tous, où tout le monde en est sorti gagnant. Je crois que cela reste encore à inventer.