Si vous faites un tour sur Facebook, vous avez sans doute entendu parler de ce journaliste de Vosges Matin, le sieur René Borg, qui a écrit, le 9 octobre 2011, un court papier sur la généalogie à partir de l’étude de Dominique Desjeux commandée par NotreFamille. En quelques lignes, il nous compare à des névrosés du tabac, de l’alcool ou du jeu. Pour lui, la recherche généalogique quasi obsessionnelle de son pedigree est considérée désormais comme addictive. Nous serions des accros à la recherche du grand-oncle d’Amérique cousu d’or ou du trisaïeul à particule. Toujours selon ce triste sire, on est d’autant plus addict qu’on est plutôt jeune et fâché avec toute sa famille. Pourquoi ? par manque (c’est des malades, on vous dit) de repères, de racines. Et il termine par un Garçon, l’addiction SVP! Ce n’est pas que je veuille lui faire de la publicité, loin de là. A mon avis, il n’a rien compris à l’étude de Dominique Desjeux pour la dévoyer ainsi. Pourtant, elle me paraîssait limpide pour qui s’y connaît un peu. Confirmant ce que l’on savait par ailleurs. Par contre, je crois qu’il devient nécessaire d’expliquer comment se réalise l’apprentissage de la généalogie. Parce que ce qu’il prend pour de l’addiction est en fait, pour moi, de l’auto-émulation. Ou si vous préférez, à chaque fois que nous apprenons quelque chose, que nous savons faire quelque chose, cela nous pousse à aller plus loin. Comment apprenons-nous à être généalogiste ? Par la pratique. Nous utilisons deux degrés dans le cadre de cet apprentissage : Un apprentissage du premier degré qui est juste l’amélioration de notre productivité fondée sur la répétition et le développement de l’expertise associée. Autrement dit, plus on répète une tâche, mieux on sait l’accomplir. C’est le cas, il me semble, de la paléographie. Plus on lit des actes, mieux on sait les lire. Un apprentissage du deuxième degré, beaucoup plus intéressant, car c’est là que se cache ce que nous appellons le « virus généalogique ». Cet apprentissage consiste à réaliser une série d’expériences pour identifier la meilleure stratégie opérationnelle. Apprendre par la pratique en expérimentant sur le tas. Comment je vais chercher un acte de notaire dont je ne connais ni le nom ni la date, par exemple ? Je vais galérer un moment mais cela va me permettre de savoir ce qu’il ne faut pas faire et la prochaine fois j’irais plus vite. Nous sommes libres d’y consacrer autant de temps et d’efforts que nous souhaitons pour apprendre et expérimenter. Rien, absolument rien ne nous donne des délais. Rien ne nous chronomètre, ne nous stresse. C’est une liberté agréable à vivre. Nous sommes libres de trouver notre équilibre, celui qui nous plaît, entre la pratique considérée comme « normale » et la recherche, l’expérimentation. Le plaisir que nous pouvons éprouver, la curiosité intellectuelle que cela éveille, le sentiment d’émulation provenant de l’appartenance à une communauté de pratiques (comme faire partie d’un cercle généalogique par exemple ou mettre ses données en ligne gratuitement pour les faire partager) sont pour nous de puissants stimulants faisant pencher la balance en faveur de cet apprentissage. Qui plus est, la production des savoirs que nous générons n’épuise pas le domaine de la généalogie mais est le facteur essentiel commandant l’abondance future de nouveaux savoirs. Nous sommes en train de révolutionner la manière de faire de la généalogie. Elle n’a jamais autant avancé en quelques décennies après une stagnation de plusieurs siècles. Nous sommes très loin d’une dépendance, cette envie répétée et irrépressible que nous subissons en dépit de nos efforts et de notre motivation pour nous y soustraire. Nous n’avons pas la conscience aigüe de perdre notre liberté d’action. Nous n’éprouvons pas de dégradation d’ordre physique, psychique, relationnel, familial et social en faisant de la généalogie. Ce n’est pas une conduite à risque, la généalogie, en tout cas personne n’a réussi à le démontrer jusqu’à présent. Peut-être sommes-nous un chouïa dans l’assuétude, comme on peut l’être quand on est un vrai amateur de chocolat et qu’on a besoin de sa petite dose quotidienne savourée avec délectation. Et encore ! A se poser la question qui est le véritable malade dans l’affaire !