Je vous en ai peut-être déjà parlé, je ne sais plus. Au cas où, une deuxième fois peut parfois ne pas faire de mal. Depuis deux mois, je travaille sur des textes du milieu du XVIe siècle, à un moment où la langue française commence à pénétrer. Et cela donne ceci à la lecture, en reprenant juste le protocole d’un acte de 1546 (en gras le français, en italique l’occitan) : L’an de l’incarnation de Notre Senhor mille cinq cens quarante sieys et le tretzème jour de mes de novembre, régnant très crestien prince François par la grâce de Dieu rey de France, sia causa conneguda et manifesta à toutz présens et advenir que en lo loc de Martrinh et maison de Messire Guilhem Fontanilhas, cirogien, diocèse de Vabre et Sénéchaucée de Rouergue, en la présentce de me notaire et testmoins jost nominalz. Super ! C’est très beau à la lecture. Il vaut mieux le déclamer que le lire (l’accent, le chant de la langue occitane sinon n’apparaissent pas). Et le plus compliqué ensuite, c’est d’expliquer à une cliente qui ne parle pas du tout l’occitan ce que cela veut dire. D’où un deuxième travail qui est un travail de traduction et d’explication. Pour qu’elle puisse retrouver les formules françaises qu’elle connaît plus ou moins bien. Là vous n’avez que cinq lignes. Imaginez cela en 12 pages voire plus. Douze pages scindées en plusieurs actes se raccrochant les uns aux autres : contrat de mariage avec la dot attribuée à l’épouse, donation à l’époux par son père, reconnaissance par le marié du premier paiement de la dot de sa femme et enfin quittance par l’épouse concernant son contrat de mariage et sa dot, parce qu’elle était absente dans tous les actes précédents. Par exemple mais cela peut être plus compliqué encore. De véritables poupées gigogne. Et là encore ce n’est rien. Je peux avoir des textes où, pour un tiers, le latin apparaît en plus. Sinon, c’est pas rigolo non plus. Mais j’aime bien. C’est là où je me sens véritablement de ma région, les deux pieds bien implantés dans ma terre de naissance. Parce que, tout d’abord, je ne suis pas occitaniste. Je ne parle pas, je ne lis pas l’occitan. Mais curieusement, là, sans doute aussi parce que je connais bien les formules paléographiques françaises, cela m’est d’une relative facilité. En tout cas, cela coule relativement bien quand je dois expliquer. Peut-être parce que mon oreille s’est faite à cette langue que j’entendais parler. Je m’ y sens chez moi, en tout cas. C’est difficile parfois à la lecture. Mais je me retrouve en complète adéquation avec mes ancêtres, plus proche d’eux dans ces textes que dans tous les autres. Alors que je ne parle pas l’occitan. Bizarre, non ?