Un des numéros récents de La Gazette des Archives portait sur ce thème. J’y ai picoré des pistes de réflexion intéressantes. Tout d’abord un producteur de données, un historien, un ethnologue par exemple, voire même un généalogiste (et après tout, pourquoi pas, la généalogie est bien dans ce thème) ne se préoccupe que rarement de la pérennité des informations qu’il recueille au cours de ses enquêtes, ce dernier mot entendu dans son sens le plus large. De même, un archiviste ne se prononce pas sur l’usage des documents dont il s’efforce de maintenir durablement l’accès possible. Les deux mondes semblent complètement séparés. Et pourtant… Un scientifique, là encore au sens le plus large du mot, n’est pas qu’un simple consommateur de données. Il en est aussi le créateur. Quand vous faites votre arbre généalogique, vous allez chercher de l’information que vous structurez d’une certaine manière. Vous créez la structure « arbre généalogique », vous créez du sens de même que l’historien ou l’ethnologue prend des notes et ensuite crée du sens à partir de celles-ci. Tous, historien, généalogiste, ethnologue se servent d’archives déjà constituées pour élaborer un corpus documentaire qui a la potentialité de devenir archive à son tour. Ceci reste vrai si nous restons dans le régime documentaire de l’imprimé, du papier pur et dur. MAIS… La révolution numérique a bousculé tout cela. Elle a imposé de nouvelles pratiques, elle a offert de nouveaux usages, elle a altéré la signification des différentes notions. Après tout, tout n’est-il pas une banque de données désormais ? Quand les Archives mettent l’état civil sur Internet, n’y mettent-elles pas plutôt des banques de données d’images ? De même pour vous pour un arbre généalogique. De ce fait, s’il ne peut être vu, repéré, lu,compris, su, retenu, un document n’est d’aucune utilité quand il est numérique. Désormais vous avez un fonds et une structure qu’est le langage informatique. Cela situe à nouveau le document dans le processus de sa production et de ses usages. D’où cette importance primordiale du référencement dans les moteurs de recherches. Un dispositif informationnel, l’expression est jargonneuse au possible mais je n’en trouve pas d’autre, tire désormais son efficacité de sa capacité à articuler une masse documentaire aux besoins actuels de l’organisation qui en est productrice. L’information se rapporte à ici et maintenant, un contexte actuel, des actes actuels, des opérations actuelles. Pourquoi maintenant avez-vous besoin de telle information ? Pourquoi maintenant allez-vous organiser vos informations de cette manière et pas d’une autre ? Pas pour vos besoins futurs, pas pour un usage futur. Maintenant. Et dans ce cas-là, la manière dont vous vous organisez maintenant va entraîner une forme de stockage de vos documents, qui sera susceptible mais plus tard d’en assurer le partage et le réemploi. Il me semble que cela ouvre des perspectives de réflexion sur ce que l’on fait et pourquoi on le fait.